Les Oubliés d'Ægir

Anastazia

Anastazia, 19 ans, est l’une des plus jeunes à avoir reçu le statut d’Oubliée. Pourtant, plusieurs années après, elle n’a toujours pas pris la mer. Son rôle se limite aux quais : récupérer les marchandises, négocier les échanges, organiser le bateau. Mais ce n’est pas assez pour elle. Elle rêve du large, de l’embrun et des vents libres.

Toujours perchée sur des talons, sa démarche nonchalante contraste avec son esprit aiguisé. Calculatrice, discrète et persévérante, elle observe plus qu’elle ne parle et retient tout. Son excellente mémoire fait d’elle une négociatrice redoutable. Mais c’est une sanguine masquée : mieux vaut ne pas trop la chercher… On la reconnaît aussi à cette odeur persistante de cuir qui flotte dans son sillage sur les chemins pavés de pierre d’Emin.

Elle vit en retrait, dans une cabane en bois perchée en hauteur, entourée de livres et d’outils, refuge contre sa mère alcoolique. Mais elle le sait : bientôt, elle quittera la terre ferme avec ses amis.

« Depuis quelques mois, je fuis régulièrement, explorant l’île de fond en comble. J’aime la sensation de liberté que cela me procure, loin des contraintes et de la violence de la maison. Mon endroit préféré est une petite falaise rocheuse que j’essaie toujours d’atteindre. C’est le point le plus haut de l’île, offrant une vue imprenable sur l’horizon. De là, je peux voir l’île des Pêcheurs, une masse de terre lointaine entourée d’eaux scintillantes. Je m’imagine souvent à quoi ressemble la vie là-bas. Ont-ils une culture différente ? Prient-ils aussi le Grand Soleil, comme nous ? »

Extrait du chapitre 6.